« Tu es une Terre sacrée »
janvier 2025
Sylvie souhaite devenir formatrice en Français Langue Étrangère (FLE) auprès des personnes migrantes. Elle partage un peu de son parcours : tendre la main c’est aussi respecter leur liberté.
Un jour, j’entre à l’hôpital où j’étais aumônier, quand un jeune homme m’appelle. Après un échange compliqué lié à la barrière de la langue, j’accompagne Ilir1 aux urgences. J’apprends qu’il vient d’arriver en France et s’est réfugié ici, où il se sent en sécurité. Il me demande d’appeler le 115 pour lui.
Depuis un moment s’était creusé en moi le désir de découvrir le parcours des personnes migrantes en France. Or Ilir¹ m’inspirait confiance et j’ai gardé contact avec lui. Très vite, il a su tisser des liens avec des personnes ou communautés, réseaux relationnels essentiels pour durer… Huit ans sans papiers (malgré toutes les conditions « remplies »), à vivre dans la galère et la peur.
La langue oui, mais aussi les codes culturels
A ce jour, je me forme en vue d’être formatrice FLE – Français Langue Étrangère -, et c’est grâce à tous ces visages, toutes ces rencontres vécues.
Engagée à la Croix-Rouge il y a un an, je me suis initiée à cette mission auprès d’adultes migrants. Déjà, je découvrais la longue liste d’attente pour s’inscrire et tant de demandes refusées, faute de places ! Plongés dans un univers inconnu et souvent non choisi, je constatais leurs difficultés d’apprentissage, accentuées par une scolarité insuffisante dans leur enfance. Et que sont trois heures par semaine pour apprendre une langue, lorsque les conditions de vie sont précaires, qu’il faut chercher les moyens de survivre au quotidien ?
Aussi, le langage ne peut-il être transmis sans former aux « codes » culturels, sociaux… de notre manière de vivre « la France ». Et pour cela, rien ne vaut leur expérience, repartir de leur réalité de vie et leurs questions, les rejoindre là où ils (en) sont.
De plus, s’approprier un langage ne se fait pas sans relation. En stage au CPU², j’eus la joie de partager un repas pour fêter l’obtention des papiers d’un étudiant. Son initiative, sa gratitude, disaient la qualité des liens tissés.
Un jour, je rencontrai une étudiante accompagnée d’une formatrice, heureuse de découvrir la ville. Diverses occasions étaient proposées pour se repérer sur place, découvrir notre culture ou mieux se connaître.
Enfin, j’ai rencontré des personnes ayant fui leur pays, qui ne voulaient ni en parler ni entendre leur langue.
Une relation en liberté
Ainsi notre désir de connaître l’autre exige-t-il une écoute et une attention empreintes de pudeur et de respect. Tel Moïse invité à ôter ses sandales pour fouler la terre où il se tient (Ex 3,5), mon frère, ma sœur migrant-migrante est comme moi une Terre sacrée : il est libre de me laisser entrer… Lui tendre la main, c’est aussi respecter sa liberté. Merci à toi, Ilir !
Sylvie, pour le Réseau Mondial de Prière du Pape France
(1) Prénom modifié. Ilir = « Être libre » en albanais
(2) CPU = association Coup de Pouce Université (Lyon), qui accompagne les étudiants étrangers
Voir aussi l’article du CPU, Coup de Pouce Université : ICI