Goûter la liberté de croire
janvier 2024
Geneviève se situe tout d’abord comme chrétienne, catholique ensuite par son éducation, ses études théologiques et maintenant le bénévolat. Cela ne l’empêche pas de participer à un groupe biblique œcuménique et d’aller souvent au culte protestant.
Cette démarche est la conséquence du constat d’un retour en arrière pratiqué par beaucoup de catholiques : liturgies anciennes, insistance sur des rites, retour des processions, adoration eucharistique proposée comme très importante, sacralisation… sans parler des abus cachés, etc. Tout cela malgré une énorme sympathie pour François, premier pape que Geneviève apprécie vraiment.
Comment accueillez-vous cette intention de prière du Pape ?
Cette intention traduit le charisme d’un pape qui veut l’unité dans la différence. Ceci dit, il reste difficile d’accepter qu’un traditionaliste soit dans la même église qu’un réformiste. Comment réagir quand un prêtre vous refuse la communion si vous tendez les mains ? Comment l’une et l’autre tendances pourraient faire un pas de compromis ? Est-ce là ce que veut l’Esprit ?
De quelles richesses êtes-vous témoin dans les Églises protestantes ?
Je ne connais que l’Eglise réformée de Toulouse mais j’écoute parfois le culte à Strasbourg et je lis des livres théologiques. D’un point de vue personnel, je peux témoigner des richesses que j’y trouve.
Tout d’abord une grande ouverture d’esprit ; je n’y ressens pas de jugements et j’y goûte une liberté de croire. J’y apprécie également la place de la bible, avec une prédication riche, préparée ; une grande place à l’interprétation et aussi à l’actualisation donc une interpellation pour le quotidien, la vie contemporaine. Le fait que le pasteur – ou la pasteure – ait sa vie personnelle ancrée dans le monde permet une proximité, un dialogue simplifié. J’attends non un « représentant » sacralisé du Christ mais un pasteur qui comprend et guide.
La liturgie est à la fois classique, avec les mêmes étapes que celles d’une messe, mais chaque prière est toujours nouvelle, actualisée ; il n’y a pas de répétition ennuyeuse. Dès lors, on écoute vraiment et on s’associe. Enfin, le partage du pain et du vin en cercle et en silence est évidemment le moment fort qui marque une présence bien réelle. Je connais intellectuellement les différences avec l’eucharistie, mais spirituellement cette présence s’impose à moi.
Qu’est-ce que ces richesses ont apporté – et apportent encore – à l’Église catholique ?
Taizé et la présence de protestants au concile ont permis des avancées dans tous les domaines, théologiques et spirituels surtout. Aujourd’hui, des associations comme l’ACAT1, des assemblées diverses et des documents communs sont nombreux mais peu connus du grand public. L’apport du protestantisme à l’Église catholique se fait essentiellement par le biais des mouvements œcuméniques. Je pense spécialement au groupe des Dombes2 dont les livrets publiés sur des sujets théologiques montrent qu’on peut se parler.
Même si c’est un sujet polémique, je crois que le mode de gouvernement protestant de type synodal n’est pas sans rapport avec le processus synodal catholique voulu par le pape. Et de fait, les questions de beaucoup de laïcs se rejoignent : participation des laïcs, élection des responsables, place de la femme, désacralisation de la prêtrise…
Qu’y trouvez-vous pour vivre votre propre foi ?
L’accueil sans condition de la part des protestants m’a permis de redécouvrir ce qui est important pour ma foi et comprendre aussi pourquoi j’avais besoin de vivre autre chose tout en ne reniant pas mon passé. D’abord une lecture renouvelée de la bible. Le fait d’entendre un ou une pasteur(e) prier avec ses mots m’a poussée à prier sans peur. Certes il existe d’autres lieux pour le faire ; mais pour moi, ce fut aux cultes et aux rencontres bibliques.
La simplicité d’un temple sans statue, sans tabernacle, sans autel sacralisé qu’on ne peut pas déplacer, sans crucifix sanguinolent, sans génuflexions presque obligatoires, crée en moi un vide qui se remplit de l’essentiel.
Je rêve qu’on oublie chacun les clichés qu’on colle sur l’autre. Le passé est lourd de disputes et d’incompréhensions mais on n’en est plus là et chacun a à se réformer.
Propos recueillis par Marie Dominique Corthier, Réseau Mondial de Prière du Pape – France
1 ACAT Organisation Non Gouvernementale œcuménique de défense des droits de l’homme.
2 Groupe des Dombes Groupe de dialogue œcuménique.