Des papes engagés pour la dignité des migrants

juin 2024

Si la dignité des personnes migrantes est un sujet très cher au pape François, sa position ne tranche cependant pas avec celle des papes précédents. Quelques paroles de papes et de l’Église peuvent nous éclairer.

La préoccupation n’est pas nouvelle : la Journée mondiale du migrant et du réfugié a été instituée par Benoît XV en… 1914.

Faisons un saut jusqu’à Jean XXIII qui, dans son encyclique Pacem in Terris (1963), reconnait le droit à émigrer : « Aussi bien est-ce un droit inhérent à la personne humaine que la faculté de se rendre en tel pays où on espère trouver des conditions de vie plus convenables pour soi et sa famille. » (§106)

 

Cette affirmation s’inscrit ensuite dans la constitution pastorale Gaudium et spes du Concile Vatican II, validée par le pape Paul VI en 1965 : « […] Les institutions de la communauté internationale doivent, chacune pour sa part, pourvoir aux divers besoins des hommes […] par exemple la nécessité de subvenir aux misères des réfugiés dispersés dans le monde entier, celle encore de fournir assistance aux émigrants et à leurs familles. »

En 1969, sous le pontificat de Paul VI, l’Instruction De pastorali migratorum cura de la Congrégation pour les Evêques rappelle le caractère opportun de l’établissement par les Conférences épiscopales nationales d’une Journée annuelle du Migrant, qui doit permettre de responsabiliser les baptisés sur le phénomène migratoire et leur faire prendre conscience de l’inscription de ce dernier dans le projet de Salut pour l’humanité toute entière.

Pour Paul VI, « […] il demeure très difficile aux habitants des pays qui s’estiment évolués de se faire pauvres avec les pauvres, d’apprendre à les regarder, à les écouter, à recevoir d’eux. C’est pourtant cette attitude fondamentale qui permettra aux personnes et aux communautés migrantes d’être elles-mêmes, de s’exprimer, de comprendre leurs problèmes d’insertion, de prendre confiance en elles-mêmes pour les résoudre progressivement. […] Les communautés chrétiennes qui craignent de perdre leur homogénéité ne devraient-elles pas voir dans la migration un appel pressant à édifier de vraies communautés, plus mûres et plus œcuméniques où la reconnaissance de l’autre, le partage avec l’autre devienne la règle de vie ? » (Congrès européen sur la pastorale des migrants, 1973)

 

Jean Paul II, une vision pour le monde

Le Catéchisme de l’Église catholique publié en 1992 sous le pontificat de Jean Paul II affirme que « les nations mieux pourvues sont tenues d’accueillir autant que faire se peut l’étranger en quête de la sécurité et des ressources vitales qu’il ne peut trouver dans son pays d’origine. » (Art.2241)

En 1996, Jean Paul II aborde la question sensible des immigrés en situation illégale : « L’Église est le lieu où les immigrés en situation illégale eux aussi sont reconnus et accueillis comme des frères. Les différents diocèses ont le devoir de se mobiliser pour que ces personnes, contraintes à vivre en dehors de la protection de la société civile, trouvent un sentiment de fraternité dans la communauté chrétienne. ‘’Qu’as-tu fait de ton frère? ‘’ (cf. Jn 4, 9). La réponse ne doit pas être donnée dans les limites imposées par la loi, mais dans l’optique de la solidarité. » (Message pour la journée des migrants)

Le Pape est conscient déjà de la difficile réception de cette question de l’accueil des migrants par les citoyens, même pour ceux qui croient à l’Évangile : « Le problème est de savoir comment associer à cette œuvre de solidarité les communautés chrétiennes souvent gagnées par une opinion publique parfois hostile envers les immigrés. […] Lorsque la compréhension du problème est conditionnée par les préjugés et des attitudes xénophobes, l’Église ne doit pas manquer de faire entendre la voix de la fraternité, en l’accompagnant de gestes qui attestent du primat de la charité ».

En vue du jubilé de l’an 2000, le pape Jean Paul II va même jusqu’à faire des demandes concrètes et fortes aux États : « […] Que se produise un geste de réconciliation, dimension propre au jubilé, sous la forme d’une régularisation d’une large partie de ces immigrés qui, plus que les autres, souffrent du drame de la précarité et de l’incertitude, c’est à-dire des immigrés en situation irrégulière. » (Discours au Congrès mondial sur la pastorale des migrants et réfugiés, 1998)

Le message de Jean Paul II déploie une vision à long terme. Sera-t-elle prophétique ?
« Le passage de sociétés mono-culturelles à des sociétés multiculturelles peut ainsi devenir un signe de la présence vivante de Dieu dans l’histoire et dans la communauté des hommes, car il donne une chance providentielle de réaliser le plan divin d’une communion universelle » (La Charité du Christ envers les migrants, 2004).

Il réitère cette vision dans son message pour la Journée de la Paix (2005) : « L’appartenance à la famille humaine confère à toute personne une sorte de citoyenneté mondiale, lui donnant des droits et des devoirs, les hommes étant unis par une communauté d’origine et de destinée suprême …»

Il déploie ainsi une conception précise de la place des migrants dans la société : « […] on doit exclure aussi bien les modèles fondés sur l’assimilation, qui tendent à faire de celui qui est différent une copie de soi-même, que les modèles de marginalisation des immigrés, comportant des attitudes qui peuvent aller jusqu’au choix de l’apartheid. La voie à parcourir est celle de l’intégration authentique, dans une perspective ouverte, qui refuse de considérer uniquement les différences entre les immigrés et les populations locales. » (Message pour la journée des migrants, 2005)

 

Le droit à quitter son pays d’origine

Le droit à quitter son pays d’origine, quel que soit le motif, a été régulièrement rappelé par les papes.
Ainsi Benoît XVI, dans son encyclique Caritas in veritate (2009), évoque-t-il l’idée de trouver un réel équilibre dans l’accueil des personnes migrantes : « […] la politique d’émigration doit s’accompagner de normes internationales adéquates, capables d’harmoniser les divers ordres législatifs, dans le but de sauvegarder les exigences et les droits des personnes et des familles émigrées et, en même temps, ceux des sociétés où arrivent ces mêmes émigrés. Aucun pays ne peut penser être en mesure de faire face seul aux problèmes migratoires de notre temps. »

Dans son message pour la Journée des Migrants (2011), Benoît XVI développe l’idée de la destination universelle des biens : « Tous appartiennent donc à une unique famille, migrants et populations locales qui les accueillent, et tous ont le même droit de bénéficier des biens de la terre, dont la destination est universelle, comme l’enseigne la doctrine sociale de l’Église. »

 

Pour François, une fraternité à tous les étages

Le pape François a marqué les esprits dès le début de son pontificat en choisissant l’île de Lampedusa pour son premier voyage peu après son élection en 2013. Depuis, il a multiplié les appels à la fraternité. Devant le Parlement européen en 2014, il affirme qu’« on ne peut tolérer que la mer Méditerranée devienne un grand cimetière », en réclamant aussi une solidarité internationale : « L’Europe sera en mesure de faire face aux problématiques liées à l’immigration […] si elle sait adopter des politiques justes, courageuses et concrètes qui aident leurs pays d’origine dans le développement sociopolitique et dans la résolution des conflits internes. » 

En 2015, il appelle « chaque paroisse, chaque communauté religieuse, chaque monastère, chaque sanctuaire d’Europe à accueillir une famille de réfugiés ».

Pour François, « tout migrant est un homme qui, en tant que tel, possède des droits fondamentaux et inaliénables qui doivent être respectés par tous et en toutes circonstances … un statut juridique irrégulier ne peut pas permettre au migrant de perdre sa dignité, puisqu’il est doté de droits inaliénables, qui ne peuvent être ni violés ni ignorés » (Discours aux participants au 6ème Forum International sur la Migration et la Paix 2017).

En 2020, dans son encyclique Fratelli tutti, il réaffirme la nécessité d’accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les femmes et hommes en quête d’un avenir en dehors de leur pays d’origine.

A Marseille en 2023, François appelle les Européens à faire preuve d’humanité et de fraternité. « D’un côté la fraternité, qui féconde de bonté la communauté humaine ; de l’autre l’indifférence, qui ensanglante la Méditerranée. Nous sommes à un carrefour de civilisations… » 

Réseau Mondial de Prière du Pape France

 

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